Réforme de l'orthographe : et au bureau ?

La réforme de simplification de l’orthographe qui a fait couler tant d’encre la semaine dernière, va-t-elle changer la donne dans le monde de l’entreprise ?

On vous l’accorde, on n’écrit pas nénufar ou ognon tous les jours au boulot, mais l’orthographe est tout de même une préoccupation pour les travailleurs français, et ce quel que soit leur métier. Au moment du recrutement, puis en fonction, nous devons tous, à un moment ou à un autre, saisir un clavier ou un stylo pour communiquer par écrit auprès de nos collaborateurs, de nos clients, de nos fournisseurs…

La réforme orthographique remise sur la table la semaine dernière va-t’elle faire souffler un vent de tolérance dans le monde de l’entreprise ? Ce dernier est très à cheval sur le sujet, notamment dans le cadre d’une candidature. Dans sa thèse consacrée aux compétences orthographiques, Christelle Martin Lacroux note que les dossiers qui comportent des fautes ont trois fois plus de chances d’être écartés. Pourtant, 58% des CV comptent en moyenne 15 erreurs d’orthographe ou de grammaire, et près de deux tiers des lettres de motivation en contiennent six, selon le site d’emploi Quapa. Le langage SMS n’a pas rendu les recruteurs plus indulgents !

La baisse du niveau en orthographe des français est néanmoins une réalité constatée par l’Éducation Nationale : entre 1987 et 2007, la proportion d’élèves faisant plus de 15 fautes à une dictée est passée de 26 à 46%… et ces élèves rentrent peu à peu sur le marché du travail !

Les maladresses d’un collaborateur, aussi compétent soit-il à son poste, feront toujours planer sur lui un soupçon d’incompétence, de manque de fiabilité, d’incapacité à apprendre… risquant ainsi d’entraver son évolution. Les fautes entraînent aussi des surcoûts, plus ou moins évidents, en temps comme en argent : faire relire un document par plusieurs personnes, devoir le réimprimer plusieurs fois à cause d’erreurs… toutes ces actions se paient. Une entreprise dont le site Internet comporterait des fautes perdrait aussi en crédibilité aux yeux de ses clients potentiels, réduisant par là même leurs intentions d’achat.

82% des recruteurs seraient sensibles au sujet. Ce chiffre n’a rien de surprenant quand on sait qu’il émane du Projet Voltaire, un organisme de formation chargé de certifier les compétences en orthographe des salariés, dans le cadre du CPF (Compte personnel de formation). Plus de 1000 écoles sont partenaires du projet, qui compte plus de 2 millions d’utilisateurs, dans les universités comme en entreprise.

Ces formations connaissent un véritable essor depuis 2010, preuve d’un intérêt croissant des dirigeants, cadres et recruteurs pour le niveau en orthographe de leurs troupes. La diminution générale à l’école pourrait être compensée par une montée en compétence en entreprise ?

Jean-Joseph Julaud, auteur de La Dictée pour les Nuls, estime dans une interview accordée à France Info que la réforme de simplification fera perdre du temps aux entreprises, en semant le trouble dans l’esprit des collaborateurs. Le Projet Voltaire, de son côté, continuera de former ses participants à l’orthographe traditionnelle, jugeant que la nouvelle ne fait pas encore partie des usages et qu’elle n’est pas en passe d’être adoptée par le monde de l’enseignement et de l’entreprise.

Même une fois adoptée et mise en œuvre par tous, et notamment en entreprise, la réforme manquera tout de même partiellement son objectif de relever le niveau d’orthographe des francophones. En effet, celle-ci ne porte presque que sur l’orthographe lexicale (la façon d’écrire les mots indépendamment de leur usage). Pour celle-ci, les correcteurs intégrés à nos ordinateurs et smartphones sont compétents. Malheureusement, le Projet Voltaire le déplore également, « rien ne porte sur l’orthographe grammaticale, qui concentre les principales difficultés du français« .

À l’école comme en entreprise, la dictée a finalement encore de beaux jours devant elle !

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